La Première Guerre Mondiale a eu son lot d'Affaires judiciaires, celles au cours desquelles les soldats ont été littéralement abattus sans véritable jugement…
Celles de Souain, Vingré ou Flirey sont déjà connues et publiées, lorsque le journal Bonsoir, publie un article sur l’exécution des condamnés de Maizy.
Pour trois affaires soulevées au grand jour par les camarades des soldats, combien de tragédies ont été oubliées, camouflées, voire ignorées parce que les témoins ne sont pas revenus et combien aussi, après dix ans, d’indignations éteintes…
L’affaire de Maizy s’est déroulée en mai 1917, année de toutes les mutineries.
Que dit la presse ?
Vers le milieu du mois de mai 1917, le 18ème Régiment d’Infanterie terriblement éprouvé dans les attaques à Craonne, redescend à Maizy avec la promesse de plusieurs semaines de répit. Mais, après cinq à six jours, lorsque les camions devant emmener les soldats vers l’arrière arrivent, le bruit circule très vite propageant une autre information : ils allaient de nouveau au front. Le mécontentement éclate, la musique entonne l’Internationale, les officiers appelés restent barricadés dans les abris et refusent de se montrer, les pneus des autos sont crevés : le 18ème ne monte pas en ligne.
Le calme revenu, seul l’aumônier ose s’avancer vers les mutins. A l’aube, 1500 gendarmes appelés en hâte arrêtent 300 hommes. Après étude des livrets militaires, il ne reste que 50 inculpés, l’autorité militaire juge que c’est encore trop. Alors, par quel procédé d’élimination ils ne sont restés que 12 à comparaître devant le Conseil de Guerre, cela reste un mystère. Le jugement est rendu le 7 juin et seuls trois soldats sont fusillés.
La révision de ce jugement demande, entre autres, que soit déclarer que le 7 juin 1917 à Maizy, les juges militaires ont jugé, une fois de plus, par ordre, sans instruction, sans accusation ni défense.
Le dossier d’instruction
Les 12 inculpés présentés devant le Conseil de Guerre de la 36ème Division d’Infanterie et tous jugés pour « révolte sans les armes » sont :
– DIDIER Robert, soldat,
– CANEL Casimir, soldat,
– MOULIA Germain, caporal,
– LAVIELLE Jean, soldat,
– PROUVIER Henri, soldat,
– LASPLACETTES Louis, soldat,
– CRISTONI François, soldat,
– OLAZABAL Jean, soldat,
– FESQUINNE Marcel, soldat,
– CORDONNIER Fidèle, soldat,
– GABARAIN Laurent, soldat,
– LEGOUT Eugène, soldat.
Le Conseil de Guerre de la 36ème Division d’Infanterie est ainsi composé :
– Colonel DUCROCQ, commandant l’artillerie divisionnaire de la 36ème D.I.,
– OLIVARI, Chef de Bataillon du 18ème R.I.,
– TROUILLAT, Capitaine à la Compagnie 18/2 du Génie de la 36ème D.I.
– TARDIEU, Sous-lieutenant au 10ème Régiment de Hussards,
– COURTE Maréchal-des-logis au 10ème Régiment de Hussards.
Le jugement est rendu le 7 juin 1917, aucun des inculpés n’a de condamnation antérieure. Les questions auxquelles doivent répondre, pour chaque inculpé, les membres du Conseil de Guerre sont :
– ladite désobéissance a-t-elle eu lieu sous les armes ?
– cette désobéissance a-t-elle été commise par des militaires au nombre de quatre ou moins et agissant de concert ?
– le même s’est-il dans les mêmes circonstances de temps et de lieu rendu coupable de violences en tirant des coups de feu en l’air ?
– a-t-il fait usage de ses armes ?
– lesdites violences ont-elles été commises par des militaires au nombre de huit au moins ?
– ledit était-il l’un des instigateurs ?
La sentence tombe et seuls MOULIA, DIDIER, CANEL, CORDONNIER et LASPLACETTES sont condamnés à la peine de mort. Les huit autres reçoivent des peines de travaux publics, allant de 5 à 10 ans, ou des peines de prison de 1 à trois ans.
La loi et le Code de Justice militaire sont appliqués à la lettre…
Dans la nuit, ils étaient 300 ans à ne pas vouloir repartir au front, seuls 4 ont été condamnés à la peine de mort pour "révolte" et seuls 3 ont été fusillés… Ce sont des fusillés pour l'exemple : il fallait condamner à tout pris !
Source
– Retronews – Bonsoir – édition du 10 novembre 1925
– Mémoire des Hommes
– Dossier d’instruction – GR 11 J 1303
– Conseil de révision – GR 11 J 3210
– Minutes du jugement – GR 11 J 1292-2
– Carte des fusillés de la Première Guerre Mondiale – Antequam-Christiane MENOT