Dans son édition du 2 novembre 1925, le Matin annonce, dans un petit encart, le nouveau record de vitesse du cycliste Jean BRUNIER…
« Le coureur cycliste Jean Brunier, entraîné par une grosse moto équipée librement et pilotée par Lauthier, s’est mis en piste hier à 16h30 à l’autodrome de Montlhéry, en vue de battre le record du monde de la plus grande vitesse dans l’heure, record détenu par le belge Léon Vanderstuyft, avec 115,098 km.«
Jean BRUNIER n’est pas un cycliste comme les autres : a déjà beaucoup de titres à son compteur ! Mais, qui est-il ?
Jean Baptiste BRUNIER-COULIN naît le 5 septembre 1896 à Paris, fils de Joseph Auguste, cantonnier, et Maria Aline Adeline PINSOT, cuisinière. Il a un frère plus âgé d’une année, Henri Charles Auguste. Très vite, les enfants restent seuls avec leur mère, Joseph Auguste décédant le 2 avril 1901.
La famille vit à Paris et la Première Guerre Mondiale appelle les deux fils : Henri Auguste décède me 6 novembre 1914 à Grott-Vierstradt, en Belgique, et bien qu’il soit enfant unique de veuve, Jean Baptiste rejoint le 82ème Régiment d’Infanterie le 12 avril de l’année suivante. Sa fiche matricule le décrit les cheveux châtains, les yeux bleus, mesurant 1,74 m et exerçant la profession de … cycliste ! Le 7 avril 1916, à peine arrivé au 153ème Régiment d’Infanterie, Jean Baptiste est fait prisonnier et interné au camp de Dülmen, en Allemagne. Il est rapatrié le 23 décembre 1918 et mis en congé illimité de démobilisation le 6 mars 1919.
A peine de retour à Paris, il remonte sur sa bicyclette… Les victoires s’enchaînent :
1921
– 4 juin – Le Challenge de Seine-et-Oise en 5h 14 mn
– 26 juin – Grand Prix des Alliés – Pantin-Meaux et retour, 70 km
– 14 juillet – Paris-Deauville – 6h45 – « Le départ de la course Paris-Deauville a été donné à 4h30 à Suresnes. Jean Brunier creva deux fois mais étant parvenu à rejoindre le groupe des premiers, il engagea contre eux, à l’arrivée, une lutte sévère dont il sortit vainqueur«
1922
– 3 septembre – Paris-Nancy – arrivé 4ème sur 21 participants
– 16 septembre – Critérium des As à Longchamp
– 23 septembre – Champion cycliste des 100 kilomètres sur le parcours Versailles-Satory – vainqueur en 3 h 1 mn et 53 secondes – « Chaque concurrent partait à un intervalle de cinq minutes, la victoire revenant à celui qui accomplirait le meilleur temps. Huit concurrents prirent part à l’épreuve «
1923
– 19 août – Championnat de France des 100 kilomètres – 2ème à 2 minutes
– 7 octobre – Paris-Bourges – « Trente-quatre acharnés sont partis de la Belle Cycliste de Suresnes, la lutte fut intéressante de bout en bout et c’est finalement l’ex-champion de France, Jean Brunier, qui décrocha la timbale, réglant au sprint final le Parisien de Bruxelles, Charles Juseret. »
1924
– 31 juillet – Grand Prix de l’Automobile Club de France – vainqueur – « Cette épreuve se déroule avec entraîneurs à motocyclette sur circuit, Brunier l’a emporté car il disposait, pour l’entraîner, du maître Lauthier et sa nouvelle motocyclette.«
– 19 octobre – Record du monde de vitesse aves Léon LAUTHIER – 112,4 km en une heure sur bicyclette Lucifer avec pneus Dunlop – tiré par une motocyclette Alithos à refroidissement par eau ».
1925
– 1er novembre – Record du monde de vitesse battu : 120,958 km en une heure, toujours tiré par la motocyclette de LANTHIER.
1926
– 1er novembre 1926 – Champion du monde de vitesse toujours avec Léon LAUTHIER – record battu : 120,958 km en une heure
1927
– Champion de France demi-fond
1928
– 29 septembre – Léon Vanderstuyft bat le record du monde, à Montlhéry, avec 122,771 km en une heure.
Aucune information quant à la date d’arrêt des compétitions, mais Jean Baptiste a lancé, en 1933, au Vel’ d’Hiv’, le « Prix Jean Brunier » course omnium en trois manches :
– course par point, individuelle, 5 kilomètres
– course poursuite limitée à 5 kilomètres, 2 séries et 3 finales
– course 30 kilomètres derrière une moto commerciale.
Le 31 octobre 1939, à la mairie du 7ème arrondissement de Paris, Jean Baptiste BRUNIER-COULIN, 43 ans, directeur de société, épouse Andrée Julie Augustine BAILLIEZ, 19 ans, sans profession.
Il décède le 23 juin 1981 à l’Hôpital de la Salpêtrière, alors âgé de 85 ans.
Jean Brunier incarne l’athlète polyvalent des années 1920 : capable de briller sur la route (classiques et championnats nationaux) et de viser des records de vitesse sur piste/anneau. Son record à Montlhéry le place parmi les coureurs-téméraires qui testaient alors les limites techniques (aérodynamique naissante, roulage derrière moto), un pan important de l’histoire du cyclisme entre les deux guerres.
Sources
– BnF Gallica – Le journal « Le Matin »
– RetroNews – Les journaux « La Pédale », « L’Homme libre », « Excelsior » et « Paris Soir »
– AD75 – Actes d’état civil et Fiche matricule