Faire de la fausse monnaie a toujours été un sport national voire international…
Le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire publie un petit article sur une affaire de faux bons de la Défense. Cet article est noyé au milieu de toutes les informations politiques importantes et redondantes.
Charles HENRY se présente au bureau de poste de la rue de l’Évêché et présente au remboursement deux bons de 10 000 francs. L’emplyée du guichet éprouve quelques doutes au vu de l’aspect étrange des bons. Charles ne demande pas son dû et prend la fuite.
Le même jour, à l’Hôtel des postes Colbert, la même demande est effectuée et les bons sont remboursés. Ce n’est qu’après le départ de Charles que les bons ont été reconnus comme étant faux. Avisée, la Sûreté intervient et arrête Charles HENRY qui dénonce avoir reçu ces bons des mains d’un dénommé VINCENSINI. Arrêté, ce dernier demeure silencieux. L’enquête se poursuit…
Comment et quand ont été émis ces bons de la Défense nationale ?
La Première Guerre Mondiale met le doigt sur un point important : le manque de finances ! C’est ainsi que le décret du 13 septembre 1914 met en place des bons du Trésor portant la mention « Bons de la Défense nationale ».
Ce Bon de Défense nationale se caractérise par son montant peu élevé – 100, 500 et 1 000 francs – et sa courte durée – 1, 3, 6, 12 mois. Ils sont commercialisés pas les comptables directs du Trésor, les receveurs d’administrations financières et les receveurs des Postes. Il faut séduire les petits épargnants des villes et de la grande masse rurale. Au cours de la Guerre, le montant du plafond d’achat a régulièrement fluctué.
Aux heures les plus incertaines de la guerre, la ressource nette est de 7 milliards de francs !
Ces bons devaient disparaitre à la fin de la guerre mais cette manne financière régulière reste nécessaire et le gouvernement n’envisage pas d’augmenter les impôts : les Bons de la Défense nationale restent donc à la vente. En 1919, la ressource est de 23 milliards.
Dès la fin de 1924 et à plusieurs reprises en 1925, le montant des remboursements excède largement le montant des souscriptions.
Si à cette demande de remboursements s’ajoutait le remboursement de faux Bons, pas étonnant que la Trésorerie nationale commença à être écrasée par le poids d’une dette énorme.
La loi de finances du 29 avril 1926 propose une réorganisation de la Caisse d’Amortissement, caisse qui gère les Bons de la Défense nationale. Les lois des 7 et 10 août 1926 crée donc la Caisse Autonome de gestion des Bons de la Défense nationale.
Le 1er octobre 1926, date de la prise en charges des Bons de la Défense nationale et les Bons du Trésor par la nouvelle Caisse, le montant des Bons s’élève à 48 167 875 800 francs dont 46 855 862 400 francs rien que pour les Bons de la Défense nationale. Cela représente la dette flottante issue de la guerre, le legs du passé.
Une tâche importante est celle de rassurer tous les porteurs de ces Bons afin qu’ils ne se précipitent pas pour demander leur remboursement.
Afin de permettre à la Caisse Autonome une certaine liberté de mouvement, l’article 6 de la loi du 7 août 1926 lui accorde le produit des recettes du tabac, une annuité budgétaire au moins égale à l’insuffisance de revenus, les dons et legs faits à ladite Caisse, les produits de loterie.
Après la Seconde Guerre Mondiale, les Bons de Défense nationale ont disparu au profit des Bons du Trésor. Ils n’ont donc plus aucune valeur aujourd’hui hormis du souvenir et de la collection.
Ces Bons qui ne devaient soutenir que les finances de la Première Guerre Mondiale ont eu une vie bien plus longue…
Source
– Retronews – Le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire – édition du 6 novembre 1925
– BnF/Gallica – cote 4°F 3289 – La Gestion des Bons de la Défense Nationale – Librairie du Recueil Sirey – 1935