Les temps politiques en ce mois de novembre 1925 ne sont pas propices à avoir des écarts de conduites. Les élus du Parlement contestent les propositions du gouvernement PAINLEVÉ et font des propositions pour le budget quelque peu drastiques…
La Dépêche de l’Aube, quotidien communiste, attaque M. Adéodat COMPÈRE-MOREL, député socialiste, sur la bonne affaire que ce dernier vient de réaliser. Il dénonce le fait que Adéodat n’avait pas de fortune avant la Première Guerre Mondiale. Le journaliste laisse planer un doute sur l’origine des finances qui ont permis au député d’acheter ce bien.
Lé député réside dans un très bel immeuble sis au 22 rue des Bons enfants à Paris, dans le 1er arrondissement. Et se rend acquéreur d’un hôtel meublé « Hôtel du Baigneur » sis au 3 rue de Baigneur, dans le 18ème arrondissement à deux pas du Sacré Cœur.
Le quotidien dénonce ce comportement qui ne correspond pas vraiment aux propos tenus par le député à la Chambre.
« Leader écouté du socialisme, M. Compère-Morel, au moment où il pousse à la loi d’un impôt sur le capital, place sa fortune dans un hôtel meublé, ce qui tend à prouver d’ailleurs, que, possesseur d’une certaine fortune, il compte acquitter correctement le prélèvement sur le capital dont il préconise le vote à la Chambre« .
La « Maison du Baigneur » est donc un très bel immeuble en pierres, remis à neuf et pourvu de tout le confort moderne. Il comporte cinq étages et, comme il y a 66 clés au tableau, il peut être considéré qu’il comporte 66 chambres. Elles ont toutes l’eau courante, chaude et froide, et se louent entre 210 et 300 francs par mois.
En comptant une location moyenne de 50 chambres à 250 francs par mois, cela rapporterait 150 000 francs par mois [le journaliste, visiblement, ne sait pas compter car cela ferait 125 000 francs]. Ce chiffre est estimé inférieur à la réalité car l’Hôtel a bonne réputation.
De plus, au rez-de-chaussée, il y a deux magasins d’alimentation.
Le journaliste termine en félicitant le député de ne pas avoir, comme tant d’autres, porté son million à l’étranger…
Le 15 novembre 1925, le journal L’Intransigeant, accorde une interview à M. COMPÈRE-MOREL en lui donnant le droit de réponse. Ce dernier donne toutes les explications nécessaires sur sa position vis-à-vis de cet hôtel : il n’est pas le propriétaire, il n’a que la jouissance commerciale. Le fonds lui a été vendu pour la somme de 850 000 francs et n’a versé que le montant qu’il détenait, 300 000 francs, le reste remboursable en 15 annuités.
D’où proviennent les finances ?
De la vente de l’établissement d’horticulture qu’il possédait, par héritage paternel à Breteuil-sur-Noye (Oise), des droits d’auteurs perçus sur « l’Encyclopédie socialiste » en 12 volumes éditée par la librairie Quillet, de la publication du « Grand dictionnaire socialiste », comprenant 1 058 pages de texte, 180 000 lignes, dont il est l’auteur et l’éditeur.
COMPÉRE-MOREL émet le souhait que chaque contribuable ou capitaliste mette autant de zèle à produire sa fortune devant le fisc comme lui-même le fait en vue du prélèvement du capital dont il est plus que jamais le ferme et résolu partisan.
Adéodat Constant Alphonse COMPÈRE, né le 5 octobre 1872 à Breteuil, dans l’Oise, est fils de Louis Adolphe Adéodat, horticulteur, et Laure Stéphanie PRINGUEZ.
Lui-même horticulteur, il épouse Jeanne Marguerite MOREL, couturière, le septembre 1893 à la même mairie.
Il est entré en politique en adhérant, dès 1891, au Parti ouvrier, qui fusionne avec le Parti socialiste, puis, enfin, lors de la dernière fusion, il est membre du SFIO, en 1905. Il a bien essayé d’être élu député de l’Oise mais il a subit échec sur échec. C’est ainsi qu’il se présente, en 1909, comme candidat à la députation pour le Gard.
En 1921, alors que le journal L’Humanité se rallie au Parti communiste, il prend la direction administrative aux côtés de Léon BLUM.
Alors, lorsqu’il fait l’achat de cet « Hôtel du Baigneur » que les journalistes titrent la « Maison du Baigneur », le député devient une cible facile. L’achat ayant été légalement réalisé, la justice ne peut intervenir de quelle que manière que ce soit. A savoir si la loi a été votée et si le député a bien déclaré ses finances.
Le constat peut glorieux est que rien n'a changé aujourd'hui ! Dès que l'on est une personnalité, politique ou non, les moindres faits et gestes sont épiés, détaillés, critiqués et publiés…
Source
– RetroNews – La Dépêche de l’Aube – édition du 14 novembre 1925
– RetroNews – L’intransigeant – édition du 15 novembre 1925
– Base des Députés de l’Assemblée Nationale – Déodat COMPÈRE-MOREL
– BnF/Gallica – cote K225567 – Agence Rol