Une autre Nécropole, celle de Florent-en-Argonne ! Là, comme à chaque fois, je lis attentivement les plaques explicatives des combats et autres histoires… Quelle n'est pas ma surprise de lire un texte sur "des fusillés pour l'exemple". Mais quel exemple ?...
« En août 1914, après avoir perdu contact avec son unité, le soldat Victor SCHMITT est recueilli par le 147ème Régiment d’Infanterie. Jugé et condamné pour abandon de poste en présence de l’ennemi, il est fusillé pour l’exemple à Florent-en-Argonne, à l’âge de 34 ans« . Voilà tout est dit ! Il valait mieux être déserteur qu’abandonner son poste au front !
La fiche SGA de Victor est succincte… « n° matricule 2465, le bureau ?, né en 1880, décédé à Vienne-le-Château, Marne. L’acte de décès est-il parvenu ? oui » Par contre, parvenu à qui… ce n’est pas noté ! Par contre, à la recherche, son dossier indique « Non mort pour la France », je dirai même qu’il est Mort par la France !
Victor SCHMITT, né le 1er mai 1880 à Chiry-Ourscamp, dans l’Oise, est fils de Jean, 28 ans, tissier, et Joséphine Eugénie Léontine LECLÈRE, 26 ans, tisseuse. Lui a-t-on dit qu’il avait eu une sœur, née et décédée le 14 mars 1877 ? Il aura une autre sœur, Georgette Jeanne, née et décédée en 1892. Il reste donc le seul et unique enfant de Jean et Joséphine.
De nationalité franco-belge et au vu de la convention établie entre la France et la Belgique, Victor est appelé sous les drapeaux en France, avec la classe 1900. Sa fiche matricule le décrit les cheveux châtains, les yeux gris, mesurant 1,65 m, son degré d’instruction générale est 3 et il a une instruction militaire exercée.
Il est incorporé au 87ème Régiment d’Infanterie le 14 novembre 1903 et rentre dans ses foyers le 18 septembre 1904, avec le certificat de bonne conduite. Il a quelques démêlés avec la justice, condamné à deux mois de prison par la 9ème Chambre correctionnelle de la Seine, le 10 mai 1906 pour vol.
Il réside avec ses parents au 141, avenue de Paris, à Saint-Denis, lorsqu’il est rappelé à l’activité par l’Ordre de Mobilisation générale du 1er août 1914. Il rejoint le 46ème Régiment d’Infanterie le 12 août et part avec son régiment le 27.
Le 14 septembre 1914, il est porté disparu à Cheppy, dans la Marne, il est rattrapé le même jour par les gendarmes, puis de nouveau disparu le 24 septembre suivant. De retour au régiment le 3 octobre, il est arrêté et présenté devant le Conseil de Guerre du 147ème Régiment d’Infanterie.
L’acte d’accusation est « Abandon de poste en présence de l’ennemi ». Le témoignage d’un Lieutenant est sans appel – Le soldat SCHMITT aurait quitté sans raison le 46ème R.I. et aurait rejoint le 147ème. Il a été affecté à la 9ème Compagnie mais ne cesse de recevoir des observations. Ce serait un « mauvais » soldat. – Un autre témoignage signale que SCHMITT « disparaissait » souvent la nuit et « réapparaissait » le lendemain. Le 5 octobre 1914, « Le Conseil délibérant à huis clos, le Président a posé la question, conformément à l’article 132 du Code de Justice militaire, ainsi qu’il suit – L’accusé est-il coupable d’abandon de poste en présence de l’ennemi ? – Réponse : oui à la majorité de deux voix contre une« .
Victor SCHMITT est condamné à mort. Dans le dossier du jugement, il n’y a ni la date ni le lieu de l’exécution. Sa fiche matricule indique qu’il a été fusillé le 6 octobre 1914 à Vienne-le-Château.
Une plaque informative à la nécropole de Florent-en-Argonne écrit qu’il a été fusillé pour l’exemple. Absolument pas ! Pas de rébellion de section ou de compagnie, simplement la désertion !
SCHMITT a été fusillé en vertu du Code de Justice Militaire de l'époque… Mais, comment, moralement, pourrions-nous, aujourd'hui, persisté dans la condamnation de cet homme ? Aurions-nous voulu, nous aussi, fuir les atrocités de la guerre ?...
Sources
– FILAE – archives départementales de l’Oise
– AD75 – cote D4R1 1150 – Fiche matricule – SCHMITT Victor
– reprise et complément de la première publication sur Canalblog – 7 juillet 2017