Comme je l'écrivais dans un précédent article, parfois, je trouve des ancêtres sans les avoir cherchés... Ils sont là, dans le registre que je consulte ! C'est le cas de Maurice Charles, notre mère ne nous avait jamais parlé d'un demi-frère de son père... et pourtant !
Le 30 juin 1894, à Paris, dans le 15ème, naît Madeleine DEVILLERS, fille de Charles Georges, vingt ans, employé de commerce, et Angèle PÉRON, vingt-deux ans, ouvrière en soieries. Le père la déclare le 3 juillet suivant à 11 heures du matin et, le même jour à quatre heures de l’après-midi, il reconnaît Maurice Charles, né le 24 février 1893, dans le même arrondissement. Le couple n’est pas marié mais vit ensemble 44, rue Lourmel.

Mais voilà, la vie n’est pas simple et le couple ne se mariera pas ! Madeline décède le 25 juillet 1894, et Claudine Marie Angèle, sa mère, décède le 29 septembre de la même année…
Charles Georges, bien trop jeune, n’assure pas l’éducation de son fils. Selon les recensements en ligne, Maurice Charles est confiée à une demi-sœur de sa mère, Jeanne Marie, et son époux, Michel PETITBON.
Jeanne Marie est née le 7 septembre 1867 à Plestin-les-Grèves, dans les Côtes-d’Armor. Elle est fille de Yves, trente-six ans, laboureur, et Marie Jeanne GUÉZENNEC, trente-sept ans, ménagère. Sa mère décède le lendemain de sa naissance. Elle a une sœur aînée, Marie Yvonne, née le 24 mars 1865, aussi à Plestin.
Yves PÉRON se remarie le 3 mai 18871 avec Marie MÉNOU. Trois enfants naissent à Plestin :
– Marie-Françoise, le 12 avril 1856,
– Claudine Marie Angèle, le 20 juillet 1872,
– Pierre, le 20 février 1876, décédé le 8 février 1877.
Et puis Jeanne Marie assiste au décès de son père, le 22 juin 1885. Le 3 novembre 1888, elle épouse Michel PETITBON, vingt-huit ans, laboureur, fils de Efflam et Marie Jeanne LE FLOCH. Le foyer s’agrandit avec la naissance de deux filles, Marie Yvonne et Anne Marie, respectivement le 8 novembre 1889 et le 12 avril 1893.
L’année suivante, sa demi-sœur Claudine Marie Angèle rentre de Paris avec deux enfants : Maurice Charles, un an, et Madeleine, à peine quelques jours. C’est dans sa commune de naissance que Angèle revient à peine après avoir accouché et son bébé décède. Puis, c’est son tour le 29 septembre 1894 ! Maurice Charles reste donc seul, son père à Paris et lui en Bretagne… Bien sûr, la famille est réunie en conseil pour désigner le subrogé-tuteur. Pour savoir qui s’était présenté, il faut lire le document…

Jeanne Marie accouche d’une autre fille, Marie Anne, le 28 avril 1895 ; le bébé décède le 2 mai 1895. Ce qui est sûr, c’est le recensement de 1896 qui constate que Maurice est placé chez sa grand-tante, Marie Yvonne QUÉZENNEC. Cette année-là, la famille de Jeanne Marie vit au foyer de Marie Yvonne GUÉZENNEC, une tante née le 10 août 1832. Sur le recensement, il est écrit que Michel PETIBON est le gendre, mais Marie Yvonne est bien la sœur de Marie Jeanne, mère de Jeanne Marie et décédée le 8 septembre 1867.

Au recensement de 1901, les membres du foyer sont les mêmes, Joséphine MEURIC est toujours la domestique. Là, Michel PETIBON est bien le neveu de Marie Yvonne GUÉZENNEC, toujours désignée comme étant le chef de famille.
De la classe 1913, Maurice Charles est appelé pour le service militaire. Au recensement, décrit cheveux et yeux châtains, et mesure 1,63 m, et, le 13 novembre 1913, il rejoint le 101ème Régiment d’Infanterie.

Quelques neuf mois plus tard, c’est la Guerre ! Le 101ème se met en ordre de marches : 3 bataillons, soit 12 compagnies pour un effectif de 62 officiers, 3 300 hommes et… 202 chevaux. Les Bataillons étant basés dans deux garnisons différentes – Dreux et Saint-Cloud, il faut d’abord procéder au rassemblement. Le transport s’effectue par voie ferroviaire et tout le monde débarque en gare de Dugny, en région parisienne, et le trajet se termine par voie routière. Le 8 août les bataillons sont ainsi répartis : Brabant-sur-Meuse, Samogneux et Haumont-près-Samogneux, dans la Meuse. Le 10 août, le régiment se porte en avant, toute la journée, le canon se fait entendre du côté de Mangiennes, commune qu’il vient défendre dès le 12 août suivant. Après quelques échanges avec l’ennemi, le 101ème d’Infanterie est cantonné à Villers-lès-Mangiennes. Les troupes allemandes étant annoncées venant du Luxembourg, le régiment se met en marche le 21 août pour rejoindre la Belgique à Grandcourt, commune qu’il atteint vers 20 heures.
Le 22 août, à 5 heures du matin, la Division se poste du Saint-Léger. A 7 heures 30, un brouillard intense gêne la formation de la colonne, le 3ème Bataillon s(intercale dans la colonne d’Artillerie, alors qu’il reçoit l’ordre d’aller vers le Général de Division qui est cerné. Les deux compagnies du 3ème Bataillon se dirigent directement sur Ethe, le reste du 101ème fait mouvement sur Gomery, mais l’ordre suivant oblige toute l’infanterie à faire mouvement sur Ethe. Les échanges avec l’ennemi sont violents et, à midi, ordre est donné de se replier sur la lisière du bois de la Malmaison, à peine le repli amorcé que le régiment doit se porter de nouveau en avant dans la direction d’Ethe puis vers Latour afin d’éviter le pillage de cette localité. Le Bataillon ne pouvant progresser, il se replie : l’ennemi ne poursuit pas !

Le 23 août, à 5 h 15, la Division se rassemble au nord de Villers-le-Rond par brigades accolées. Le 101ème d’Infanterie est placé à l’est de la route de Villers-Vézin et couvre le rassemblement. Le 1er Bataillon est positionné à la cote 334, les deux autres Bataillons reste au cantonnement. Vers 15 heures, le 317ème Régiment d’Infanterie est soumis au feu de l’artillerie allemande, il ne tient pas et bat en retraite. Le Bataillon du 101 est pris entre deux feux et est obligé de se replier. Les 2ème et 3ème Bataillons, sous la protection du 315ème, occupent la croup de Ham-lès-Saint-Jean près de Charency. Le repli de Gomery à Charency est tout de même de 17 kilomètres !
C’est au cours de cette dernière journée que Maurice Charles est porté disparu. Le Journal de Marche et des Opérations de son régiment – 26 N 674/1, le 101ème d’Infanterie relate très bien les faits militaires mais rien, absolument rien, concernant les pertes humaines…
Maurice Charles DEVILLERS est déclaré décédé le 23 août 1914 par le Tribunal de Lannion le 18 mai 1920. L’acte est transcrit sur les registres de Plestin-les-Grèves le 23 juillet de la même année 1920.
Question désormais importante pour notre famille : notre grand-père, Georges Lucien, né en 1910, orphelin de mère en 1911, a-t-il eu connaissance de ce demi-frère né dix-huit ans plus tôt ?...
Cet article a été publié la première fois sur le site de Canalblog le 3 septembre 2018. Il a été complété sauf pour la famille LE MOULLEC que je n’ai pas réussi à « rattacher » !