Avant Colbert, aucune indemnisation de quelque forme que ce soit ne permettait d'aider les personnes âgées ou invalides ayant travaillé toute leur vie. Le Ministre des Finances de Louis XIV va commencer par s'intéresser au sort des marins…
L‘Edit de Nancy du 23 septembre 1673 instaure un prélèvement sur les soldes des marins de guerre afin de pouvoir construire deux hôpitaux. C’est ainsi que, petit à petit, les marins pourront obtenir une pension, mais pas tous les marins : juste les blessés et invalides.

« Titre XIV – Hôpitaux de Marine – Premièrement – Sa Majesté veut qu’à l’avenir et à commencer au premier octobre prochain, il soit retranché six deniers pour livre sur les appointements et soldes de tous les officiers généraux de la Marine, Officiers particuliers des vaisseaux et solde des équipages qui seront entretenus à son service en la Marine, qui seront retenus par le Trésorier de la Marine, pour être par lui employés, ainsi qu’il est dit ci-après. Sa Majesté veut qu’il soit établi deux hôpitaux généraux de la Marine, l’un à Rochefort pour le Ponant, et l’autre à Toulon pour le Levant.
Après que les bâtiments seront entièrement achevés, sa Majesté veut que le même fonds serve perpétuellement à l’entretien et subsistance des estropiés. (…] En cas qu’ils soient estropiés en sorte qu’ils ne puissent plus servir à aucune fonction, sa Majesté veut qu’ils soient nourris et entretenus dans lesdits hôpitaux leur vie durant.
En cas qu’ils ne puissent servir à quelqu’un des fonctions de Marine, sa Majesté veut qu’il soit donné à chacun des Officiers Mariniers six livres par mois pour leur aider à vivre, outre et pardessus ce qu’ils pourront gagner en servant. Et à l’égard des matelots et soldats, sa Majesté veut qu’il leur soit donné quatre livres dix sols par mois.«

Le Code des Armées navales met en place un règlement tant pour les grades, que pour l’intendance ou la justice des marins et ouvriers des arsenaux.
L’article II du Titre IV – Livre VIII – du Code des Armées navales du 15 avril 1689 – De la récompense des officiers mariniers, matelots et soldats estropiés au service – rappelle qu’en attentant la construction des hôpitaux prévue par l’édit de 1673, la demi-solde sera versée à tous gradés.

L’Hôpital des Invalides, fondé par l’édit d’avril 1674, n’accueille que les personnels des troupes de terre, Louis XIV décide par l’édit de Marly du 15 mai 1709 de donner les mêmes avantages aux officiers, matelots, soldats de la marine en leur versant une pension ou une demi-solde « assurer récompense à ceux qui s’en rendraient dignes par des services distingués et des actions de valeur … lorsque leurs blessures ou la vieillesse les rendront incapables de continuer leur service … même aux ouvriers qui auront vieilli en travaillant dans nos arsenaux ou qui auront été estropiés. […] … si nous n’étendions pas ces récompenses jusqu’aux officiers, matelots et soldats qui auront été estropiés au service des négociants er armateurs de notre royaume.«
Ainsi tous les marins, de l’armée ou de la marine marchande, ont les mêmes secours. Pour assurer les fonds nécessaires à ces versements de pension, il est retenu quatre deniers pour une livre sur toutes pensions, gages et appointements.
La pension « retraite » en tant que telle commence à prendre forme même si elle ne concerne que les militaires de terre et de mer et les marins de la marine marchande.

L‘article 7 du Titre XV de l’ordonnance du 31 octobre 1784 précise « Les gens de mer âgés de plus de soixante ans, qui auront au moins dix ans de navigations sur les bâtiments de commerce et trois ans au service de Sa Majesté, chaque mois de navigation sur les vaisseaux de guerre au-delà des trois ans étant compté pour deux au commerce, … ou ceux qui auront exercé pendant vingt ans depuis leur classement les professions de pêcheurs, bateliers de rivières et autres semblables ains que les ouvriers non navigants qui auront vingt-cinq ans d’exercice […) auront la pension de tiers de solde et même celle de moitié lorsque leurs infirmité ou le défaut des ressources de la part de leurs familles les mettrons hors d’état de subsister.«
La Révolution ira encore plus loin en instaurant les premières caisses de retraite civiles, des systèmes de rentes viagères et divers organismes permettant aux travailleurs de cotiser en prévision du jour où ils ne pourront plus exercer leur métier.
Sources
– Gallica/BnF – cote 8°F4150 – Recueil général des anciennes lois françaises – Tome XIX – janvier 1672 à mai 1686
– Gallica/BnF – cote 8°F4150 – Recueil général des anciennes lois françaises – Tome XX – juin 1687 à septembre 1713
– Gallica/BnF – cote 8°F4150 – Recueil général des anciennes lois françaises – Tome XXVII – mars 1781 à janvier 1785
– Code des Armées navales
Allez plus loin : Lire « L’Etat et la retraite vieillesse », de la Révolution à 1850, sur le blog d’Antequam de Canalblog, publié le 23 janvier 2019