Qui sont-ils ? Des hommes relevant de la conscription militaire qui n'ont pas répondu présent à la conscription ou qui ne répondent pas à l'appel de la mobilisation …
L’article 83 de la loi sur le recrutement militaire du 21 mars 1905 est très claire : « En temps de paix, un soldat qui n’a pas rejoint son régiment d’incorporation dans les 30 jours est considéré comme insoumis ».
La notification de l’ordre de route est faite, pour les appelés, au domicile et, en cas d’absence, au maire de la commune dans laquelle l’appelé a été porté sur la liste de recensement. Si l’insoumis appartient à un corps mobilisé ou faisant partie des troupes d’opérations, ou si son corps est stationné sur un territoire compris dans la zone des armées, les délais fixés sont fixés à deux jours pour l’appelé ou l’engagé qui ne rejoint pas, à un mois pour ceux qui demeurent en Algérie, en Tunisie ou hors de France, en Europe, et à trois mois pour ceux demeurant dans tout autre pays.
Pour rappel : les délais d’insoumission ne compte pas dans les années de service exigées.
Les peines de l’insoumission sont portées par l’article 230 du code de justice militaire.
« Est considéré comme insoumis, et puni d’un emprisonnement de six jours, tout jeune soldat appelé par la l oi, tout engagé volontaire ou tout remplaçant, qui, hors cas de force majeure, n’est pas rendu à destination dans le mois qui suit le jour fixé par son ordre de route.
En temps de guerre, la peine est d’un mois à deux ans d’emprisonnement. »
Lors de la levée des troupes par l’Ordre de Mobilisation générale, le Gouvernement a besoin de tous les hommes possibles : il faut donc, par nécessité, déclarer une amnistie pour que les insoumis d’hier rejoignent les rangs aujourd’hui.
La loi du 5 août 1914 amnistie les insoumis et les déserteurs de l’armée de terre et de mer pour des faits antérieurs au premier jour de mobilisation. Pour en bénéficier, il faut respecter les délais qui courent dès le jour de la promulgation de la présente loi :
- Pour ceux résidant en France continentale et en Corse, 4 jours,
- Pour ceux résidant dans les pays limitrophes de la France, 6 jours,
- Pour ceux résidant dans d’autres pays d’Europe et dans d’autres pays du littoral de la Méditerranée et de la mer Noire, 12 jours,
- Pour ceux résidant dans tout autre pays, 40 jours.
Il est précisé que « pour les déserteurs, l’amnistie s’étend à tous les crimes purement militaires et aux délits de toute nature connexes à la désertion« . Cette loi est de suite applicable en Algérie, aux colonies et aux pays de protectorat.
Dès le 7, le sous-secrétaire d’Etat de la guerre, M. Laurains, indique aux différents gouverneurs militaires d’inviter les diverses autorités militaires devant lesquelles les insoumis ou déserteurs se présenteraient à appliquer de suite la loi d’amnistie du 5 août 1914. Le même jour, il s’adresse aux préfets en leur demandant de faire rechercher avec vigueur les individus qui se seraient soustraits à leur devoir militaire à l’heure grave que traverse la France. Tout individu dont la situation militaire ne paraîtrait pas en règle devra être immédiatement remis à l’autorité militaire.
Le 15 août 1914, dans une circulaire, M. Laurains attire l’attention sur les insoumis arrêtés avant la promulgation de la loi du 5 août. Ceux qui sont en cours de jugement ou ceux qui sont en attente de jugement bénéficient d’une ordonnance de non-lieu. Pour ceux qui ont été jugés et condamnés, l’action publique se trouve éteinte. Par contre, ceux qui sont arrêtés après le délai prescrit de présentation spontanée par la loi du 5 août, seront jugés et condamnés comme il se doit.
Le 22 août 1914, conformément à l’article 83 de la loi sur le recrutement du 21 mars 1905, le ministre de la Guerre, M. Millerand, décide de faire appliquer les dispositions suivantes : »Chaque commandant de bureau de recrutement adressera au préfet intéressé la liste, par canton, des hommes domiciliés dans le département qui n’auraient pas répondu à l’ordre de convocation (sauf cas d’excuse dûment justifiée). » Ces listes seront placardées dans les conditions prévues par la loi.
Mais lorsque l’armée n’a pas les bons renseignements, les insoumis sont légion ! Un exemple, Edouard COURTEAUX. Né le 23 janvier 1893 à Fontenay-Trésigny – acte n° 5, fils de Désiré, manouvrier, et Louise LHEUREUX, Edouard a une fiche matricule – n° 30 au bureau de Melun. Il participe au tirage au sort (?), tire le n° 32 de la liste du canton de Rozoy-en-Brie et se retrouve sur la 1ère liste reconnu bon… absent ! Il est affecté au 4ème Bataillon de chasseurs à pied à Saint-Nicolas-de-Port, sauf qu’il ne rejoint pas ! Le 3 février 1914, Edouard COURTEAUX est déclaré insoumis, puis, l’armée insiste, insoumis en temps de guerre le 5 août 1914.
La fiche matricule n° 30 de la classe 1913 du bureau de Melun ne donne aucun autre renseignement. Et pour cause ! Edouard COURTEAUX est décédé à l’âge de quatre ans, le 22 février 1897, à Nangis – acte n° 20. Une autre erreur, incroyable encore, dans son acte de décès, il est écrit qu’il est né le 2 janvier 1893 à La Croix-en-Brie : je vous laisse vérifier…
D’autres insoumissions : Arsène Marceau NEUVILLE, né le 13 juillet 1893 à Melun, participe au tirage au sort et tire le n° 90. Il est rayé des contrôle des insoumis le 11 janvier 1921 car il est décédé le 12 décembre 1893 à Fontainebleau. Marcel Gabriel GOY, né le 31 juillet 1893 à Dammarie-les-Lys, participe aussi au tirage au sort et tire le n° 41. Il est rayé des contrôles des insoumis le 22 avril 1943 car il est décédé le 1er octobre 1893 à Dammarie-les-Lys. Marcel BIDEAU, né le 9 août 1893 à Tournan-en-Brie, participe, comme ses camarades au tirage au sort, tire le n° 11 et est classé dans la 1ère liste en étant « bon absent ». Il est affecté au 2ème Bataillon de Chasseurs à pied et déclaré insoumis le 3 février 1914 pour la bonne raison qu’il est décédé le 30 avril 1913 à Arpajon.
[ Sur les 500 premières fiches matricules de la classe 1913 du bureau de Melun, seules une dizaine comporte l’annotation « insoumis » mais aucun n’est réellement un insoumis au sens propre de l’article 83 de la loi de 1905. C’est donc un constat positif pour cette recherche ! Qui a donc répondu au nom des jeunes gens ? Le maire de la commune ? Comment ont été effectuées les recherches de la gendarmerie ? Que de questions sans réponses… ]
Mais, si le gouvernement a jugé nécessaire de publier la loi sur l'amnistie en 1914, il reste à penser que le nombre estimé d'insoumis devait être élevé.
Avis à vous chers lecteurs : si, dans vos recherches vous avez lu la fiche d’un insoumis qui a, par la loi de l’amnistie, rejoint les rangs de l’armée, je vous demande de bien vouloir me donner ces indications afin que je puisse réaliser une étude. Merci d’avance !