Chaque guerre a ses problèmes de ravitaillement ! La main d'œuvre masculine est au front et il reste nécessaire de nourrir et la population civile et ces soldats qui nous protègent…
Le pain ! Aliment de base de la population ! Le rationnement des céréales doit être mis en place afin de pouvoir ravitailler la population civile. Pour les militaires, pas de souci : le ministère de la guerre appliquera son droit au réquisitionnement.
Dès octobre 1915, le ministère du Commerce obtient des crédits supplémentaires pour pouvoir acheter et vendre du blé et de la farine pour ravitailler la population. L’article 1er de la loi du 16 octobre 1915 rappelle que pendant la durée de la guerre, il peut être pourvu par voie de réquisition de blé et de farine à l’approvisionnement de la population civile. En cas de réquisition, l’indemnisation ne peut être supérieure à 30 francs par 100 kg pour les blés pesant 77 kilogrammes à l’hectolitre et ne contenant pas plus de 2 % de corps étrangers.
L’article 2 de la loi du 23 avril 1916 interdit d’employer pour l’alimentation du bétail et des chevaux, ânes et mulets :
L’article 1 du décret du 28 juin 1916 intensifie les mesures en interdisant aux meuniers, marchands de grains, boulangers, pâtissiers, épiciers et marchands de denrées alimentaires de détenir – sans motifs légitimes – d’autres produits de la mouture du blé que la farine entière et le son. L’article 2 impose les indications, inscrites en caractères apparents et sans abréviation, en ce qui concerne les farines de la mention « farine loi 1916 ». Les boulangers ont aussi l’obligation de tenir un registre précisant la provenance de la farine en notant les noms et adresses des vendeurs, la date et le prix.
L’article 4 impose que le pain ou la pâtisserie ne soit confectionné qu’avec de la farine entière de froment. Il est tout de même permis d’ajouter d’autres céréales ou fécules comestibles à la condition que le mélange soit fait au moment de la fabrication et que précision en soit donnée au client.
La vente du blé au détail, quantité inférieure à un hectolitre, est strictement interdite, ainsi que l’emploi de produits de la mouture tendre pour la fabrication des pâtes alimentaires.
La responsabilité des contrôles de l’application du décret est attribuée à la répression des fraudes et conformément à la loi du 1er août 1905 et sur la base d’un échantillon type de farine établi par le service du ravitaillement de la population civile au ministère du Commerce et de l’Industrie.
La circulaire du 8 juillet 1916 du ministère du Commerce et de l’Industrie reprend le décret du 28 juin précédent et précise certains points. Entre autres, que le contrôle ne consistera pas à rechercher une farine étant donnée, si elle a été extraite à un taux déterminé, mais bien si elle constitue une « farine entière ». Inversement, un son étant donné, il y aura lieu d’apprécier s’il ne renferme pas des éléments, qui, par la mouture, auraient dû passer dans la farine entière. […] Toute farine qui sera trouvée de qualité supérieure au type établi sera présumée ne pas avoir été extraite conformément aux prescriptions de la loi.
Lors du remaniement ministériel du 1er décembre 1916, le 6ème cabinet BRIAND fait appel à Edouard HERRIOT, sénateur du Rhône pour le poste de Ministre des Travaux Publics, des transports et du ravitaillement.
Le décret du 31 décembre 1916 du ministre de la Guerre confirme, dans l’article 1er, que le ravitaillement de la population civile, la taxation et la réquisition de denrées et de subsistances sont transférées au ministères des Travaux publics, des Transports et du Ravitaillement. L’article 2 précises que ledit ministère est chargé du ravitaillement de l’armée, en ce qui concerne les subsistances militaires, tel que ce ravitaillement est actuellement réglementé, et fonctionne jusqu’au moment où les approvisionnements sont mis à la disposition des armées, et, pour la zone de l’intérieur, jusqu’aux lieux de livraison déterminés en accord avec le ministère de la Guerre.
Une décision important est prise dans l’arrêté du 20 janvier 1917 : décider de la fermeture des pâtisseries ! A partir du 1er février 1917, les pâtisseries devront être fermées le mardi et le mercredi de chaque semaine, sauf les mardis et mercredis jours fériés. Devront également être fermés, pendant ces deux jours, les rayons pâtisserie existant dans les boulangeries, les épiceries, les grands magasins de nouveautés et tous autres établissements ouverts au public. Les pâtissiers-confiseurs, les glaciers-confiseurs et les glaciers sont assujettis à la même obligation de fermeture.
La circulaire du 24 janvier 1917 étend la prohibition de l’arrêté du 20 janvier à la pâtisserie sous toute ses formes, fraîche, sèche ou de conserve, y compris la biscuiterie. En conséquence, pendant les deux jours visés, ces produits ne pourront être ni consommés ni vendus dans les établissements ouverts au public.
Le ministère des Travaux Publics et du Ravitaillement alerte la population dans la circulaire du 2 février 1917. La terre, par suite de guerre, ne produit plus suffisamment le blé nécessaire. L’appoint doit donc être acheté à l’étranger et payé en or. Mais la ressource en or du Gouvernement est précieuse et limité. Il faut donc éviter tout gaspillage !
C’est ainsi que le décret du 9 février 1917 impose le poids et la taille des pains – poids inférieur à 700 grammes et longueur inférieure à 80 centimètres. Le pain de dit de luxe et de fantaisie – petits pains, brioches, croissants, biscottes, etc. est strictement interdit à la vente. De même le pain frais ! Ce dernier peut être mis à la vente au plus tôt 12 heures après sa cuisson et il ne peut pas contenir de procédés de conservation visant à le maintenir frais.
Le décret du 19 avril 1917 étend l’interdiction de la vente de la pâtisserie les mardis et mercredis à la vente des pâtés en croûte. L’article 2 interdit aussi la consommation de la pâtisserie et biscuiterie dans les restaurants, les hôtels, les cafés, les maisons de thé, les crémeries aux mêmes jours des mardis et mercredis. L’article 4 interdit la fabrication, la mise en vente et la vente de toute pâtisserie du 1er juin au 31 juillet 1917. Pendant la période de fermeture des pâtisseries, les boulangeries, restaurants, hôtels, etc. ont interdiction de vendre du pain garni de confiture ou de tout autre aliment sucré. De même, les fabriques de biscuiterie ne peuvent plus utiliser leurs fours à partir du 1er mai 1917, sauf dans le cas de la demande de l’intendance militaire pour la fabrication des pains de guerre.
Le remaniement ministériel du 18 mars 1917, nomme M. Maurice VIOLETTE, député de l’Eure-et-Loir, ministre du Ravitaillement général et des Transports maritimes suite à la démission d’Edouard HERRIOT.
Le premier grand travail est la mise en place du carnet de la consommation du pain par le décret du 3 août 1917. Chaque chef de ménage doit faire, sur ce carnet, la déclaration des quantités de pain correspondant à la consommation de toute personne vivant en son foyer. L’article 2 fixe la consommation hebdomadaire, par personne en fonction de son âge : de 1 à 6 ans, 300 g par jour, et à partir de 6 ans, 500 g par jour. En outre, pour les enfants de moins de trois ans, il peut être apporté une ration de farine de 30 g par jour en sus de la ration du pain. Les quantités nécessaires aux établissements pénitentiaires est fixée à 500 g par jour et par personne.
La circulaire du 7 août 1917 confirme que les différents essais[1] de fabrication de pain à partir d’un mélange pommes de terre et farine sont parfaitement concluant. Le ministre de s’exprimer que les pains qu’il a goûté sont « tout aussi bons que le pain courant sinon meilleurs. […] Un pain rond que j’ai entamé qu’après dix jours de fabrication était encore bon pour la consommation« . La circulaire préconise de prendre, dès à présent, des dispositions afin d’éviter tout gaspillage de pommes de terre qui pourrait être utilisées dans la fabrication du pain.
Nouveau remaniement ministériel le 12 septembre 1917 avec le gouvernement PAINLEVÉ, Maurice LONG est nommé en remplacement de Maurice VIOLETTE, démissionnaire. L’Office national des vivres est institué par décret du 10 novembre 1917. Cet office a pour tâche de présenter des propositions sur les mesures propres à faciliter l’approvisionnement des organisations municipales, coopératives et syndicales et des groupements commerciaux en denrées alimentaires de première nécessité.
Le décret du 30 novembre 1917 est établi en vue de ménager les ressources en céréales jusqu’à la moisson prochaine et de réserver pour chacun la part correspondant à ses besoins essentiels, la consommation du pain, la réquisition des céréales et la fabrication de la farine. Il comporte 53 articles. L’article 3 précise que dans les communes d’au moins 20 000 habitants, il peut être établi une carte individuelle permettant aux consommateurs d’acheter leur ration journalière de pain.
[1] Les essais ont été réalisés par M. RIDOUX, boulanger à Chartres sur une recette de l’abbé ROSIER – dictionnaire de l’agriculture, 1786 – recopiée sur les instructions données par M. PARMENTIER lui-même dans son ouvrage, le Parfait boulanger, édité en 1778.
La loi du 10 février 1918 fixe les sanctions et les peines infligées en cas de non-respects des décrets publiés concernant les diverses restrictions : de 16 à 2 000 francs et de 6 jours à 2 mois d’emprisonnement. En cas de récidive, la peine d’amende est de 2 à 6 000 francs, et la peine d’emprisonnement de deux mois à un an. Les infractions seront relevées pendant la durée de la guerre et pendant les six mois qui suivront la fin des hostilités.
Le ravitaillement a été un maître mot dès la fin 1915 ! Les problèmes n'ont pas seulement touché les céréales pour les farines et donc le pain, mais aussi le bois, pour le chauffage au cours de l'hiver, le sucre, l'essence… Si ce sujet est souvent abordé pour la Seconde Guerre Mondiale, il l'est beaucoup moins pour la Première !
Pour aller plus loin : N’hésitez pas à lire le bel article de 87DIT !
Le pain est toujours un sujet d’actualité, prix du blé et des céréales, prix de l’énergie pour la fabrication et cuisson.
Malheureusement… Je ne sais comment je réagirais si l’on me retirait le pain !