Tout commence par l'Ordre de Mobilisation générale du 1er août 1914…
Jean MALTAVERNE, comme la plupart des jeunes hommes de sa classe, celle de 1902, avait répondu présent pour partir au service militaire. Sous couvert de la loi sur le recrutement du 1889, il passe ses trois années au 95ème Régiment d’Infanterie et rentre chez lui le 18 septembre 1906. Etant un bon élément, il a obtenu le certificat de bonne conduite.
Natif d’Avrée, dans la Nièvre, c’est à Grisy-Suisnes, en Seine-et-Marne qu’il s’installe. Il est rosiériste chez Pierre COCHET. Il descend au pays pour épouse Simone JAULT le 30 novembre 1907, à Larochemillay. Le couple revient en Seine-et-Marne. La famille s’agrandit avec les naissances de Marcel, en 1909 et Yvonne, en 1911, puis s’installe à Brie-Comte-Robert, à quelques kilomètres. Lucienne naît fin 1913 et Jean pense en avoir fini avec la conscription : il a bien effectué ses deux périodes d’exercices comme l’oblige la loi. Mais, en août, le recrutement militaire a été modifié : il est rallongé de trois ans, trois longues années.
Août 1914 est orageux, la troupe est mobilisée et la guerre contre l’Allemagne est déclarée. Jean laisse sa femme et ses enfants, comme tous, il doit être confiant : « nous serons de retour à Noël ». Mais Jean ne rentre pas : il décède la 27 novembre 1916, à Rancourt dans la Somme. L’acte est transcrit le 4 décembre de la même année à Brie-Comte-Robert.
Simone est donc désormais seule avec ses trois enfants. Son activité de couturière ne va pas lui permettre d’entretenir correctement ses enfants. Le salaire de Jean manque cruellement !
L’état français n’a pas prévu de s’occuper des familles des victimes de la guerre.
C’est la loi du 27 juillet 1917 qui créée le statut de Pupille de la Nation. L’article 1 déclare que la France adopte les orphelins dont le père, la mère ou le soutien de famille a péri, au cours de la guerre de 1914, victime militaire ou civile de l’ennemi. Ce n’est que le 31 juillet 1918 que Simone dépose une demande de reconnaissance de pupille de la Nation pour chacun de ses enfants : Marcel, 9 ans, Yvonne, 7 ans, et Lucienne 5 ans.
Outre les renseignements d’état civil de l’enfant, de ses parents, l’état demande que le parent survivant précise de quel fait de la guerre il s’agit en exposant sommairement les circonstances dans lesquelles le père, la mère ou le soutien de famille de l’enfant a péri ou a été atteint soit de blessures soit de maladie ou d’aggravation de maladie..
Ensuite, la personne remplissant les documents doit donner les renseignements concernant la réunion du conseil de famille comme la loi l’oblige pour la nomination du subrogé-tuteur. Dans le cas présent, Simone ne justifie pas. Simone signe la demande en demandant à ne pas être convoquée au Tribunal, comme la loi l’autorise.
Elle remplit trois demandes distinctes : une pour chacun de ses enfants. Cela permet à la justice d’accepter pour certains et de refuser pour d’autres la prise en charge des enfants par l’état.
L’article 6 de la loi du 27 juillet précise que le jugement est notifié au représentant légal de l’enfant par le greffier du tribunal par lettre recommandée et sans frais. L’article 8 indique qu’après l’expiration d’un mois après le prononcé du jugement si celui-ci n’est pas frappé d’appel, et dans le mois qui suit l’arrêt de la cour, mention de l’adoption, si elle a été prononcée, est faite à la requête de du ministère public, en marge de l’acte de naissance de l’enfant et il ne pourra être délivré d’expédition de cet acte sans que ladite mention y soit portée.
M. CHARREYRE, juge, et M. CISTERNE, juge de paix à Melun, réunis le 17 octobre 1918, rendent leur jugement et déclarent que Marcel, Yvonne et Lucienne sont adoptés par la Nation.
Simone JAULT ne se remarie pas et décède le 28 novembre 1930 à Brie-Comte-Robert sans avoir assisté aux mariages de ses enfants et à la naissance de ses petits-enfants.