Une autre Nécropole, celle de Florent-en-Argonne ! Là, comme à chaque fois, je lis attentivement les plaques explicatives des combats et autres histoires… Quelle n’est pas ma surprise de lire un texte sur « des fusillés pour l’exemple ». Mais quel exemple ?…
Nécropole de Florent-en-Argonne (55) – (c) Antequam
Décidément, il faut vraiment que je trouve un Code de Justice Militaire, celui qui était mis en application pendant la Première Guerre Mondiale !
« En août[1] 1914, après avoir perdu contact avec son unité, le soldat Victor SCHMITT est recueilli par le 147ème Régiment d’Infanterie. Jugé et condamné pour abandon de poste en présence de l’ennemi, il est fusillé pour l’exemple à Florent-en-Argonne, à l’âge de 34 ans« . Voilà tout est dit ! Il valait mieux être déserteur qu’abandonner son poste au front !
Victor SCHMITT naît le 1er mai 1880 à Chiry-Ourscamp, dans l’Oise. Il est fils de Jean, tissier, et Eugénie LECLÈRE.
Sa fiche SGA est laconique… « n° matricule 2465, le bureau ?, né en 1880, décédé à Vienne-le-Château, Marne. L’acte de décès est-il parvenu ? oui » Par contre, parvenu à qui… ce n’est pas noté ! Par contre, à la recherche, son dossier indique « Non mort pour la France », je dirai même qu’il est Mort par la France !
Le dossier de son jugement donne plus de renseignements. Victor SCHMITT résidait 141, avenue de Paris à Saint-Denis (93) au moment de son départ pour la guerre. Il a les cheveux châtains, les yeux gris et mesure 1,61 m. Il exerce la profession de matelassier.
L’acte d’accusation est « Abandon de poste en présence de l’ennemi ». Le témoignage d’un Lieutenant est sans appel – Le soldat SCHMITT aurait quitté sans raison le 46ème R.I. et aurait rejoint le 147ème. Il a été affecté à la 9ème Compagnie mais ne cesse de recevoir des observations. Ce serait un « mauvais » soldat. – Un autre témoignage signale que SCHMITT « disparaissait » souvent la nuit et « réapparaissait » le lendemain. Le 5 octobre 1914, « Le Conseil délibérant à huis clos, le Président a posé la question, conformément à l’article 132 du Code de Justice militaire, ainsi qu’il suit – L’accusé est-il coupable d’abandon de poste en présence de l’ennemi ? – Réponse : oui à la majorité de deux voix contre une« .
Victor SCHMITT est condamné à mort. Dans le dossier du jugement, il n’y a ni la date ni le lieu de l’exécution.
Voilà, les fusillés pour l’exemple… Mais le terme, là, est-il juste ? Victor SCHMITT a été fusillé en vertu du Code de Justice Militaire de l’époque… Mais, comment, moralement, pourrions-nous, aujourd’hui, persisté dans la condamnation de cet homme ? Aurions-nous voulu, nous aussi, fuir les atrocités de la guerre ?…
Depuis la publication de cet article sur le site de CanalBlog, le 7 juillet 2017, j’ai lu et relu de nombreux jugements de fusillés de la Première Guerre Mondiale. Les « Fusillés pour l’exemple » sont des soldats qui ont été fusillés après tirage au sort pour éviter, souvent, de fusillés tous les soldats d’une même compagnie qui, en 1917, refusaient de sortir des tranchées. Cette année 1917 a été l’année de toutes les mutineries. Lorsqu’un général constatait le refus d’aller au front de toute une section ou de toute une compagnie, il demandait purement et simplement au colonel commandant le régiment concerné de faire fusiller tous les soldats de ladite compagnie ou de ladite section. Il s’ensuivait, par la suite, d’un odieux marchandage : « Pas toute la compagnie ! » « Bon, 20 alors ! ». La procédure qui suivait était simple : les fortes têtes régimentaires étaient désignées d’office, pour compléter et aller jusqu’au nombre décidé par le général, ces soldats se voyaient attribuer un numéro, le papier était jeté dans un contenant (seau, casque, etc.). Ceux dont les noms étaient tirés passaient en jugement rapide et étaient fusillés. Là, il est possible de parler de « fusillés pour l’exemple » mais pas dans le cas de Victor SCHMITT.
Il ne faut pas oublier que le Code de Justice Militaire qui était utilisé pendant la Première Guerre Mondiale avait été appliqué dès le 9 juin 1857 !…
[1] Le jugement est en date du 5 octobre 1914…